Denna artikel skrevs hösten 2010 för IFAS. Med tanke på utvecklingen har den fått förnyad aktualitet.
Introduction
La sécurité européenne suscite maintenant un intérêt grandissant. La Russie a proposé, dans des termes un peu flous, la négociation d’un traité européenne de sécurité (TES). Les États-Unis et la Russie viennent de négocier un nouveau traité START qui va fortement réduire le nombre des ogives nucléaires et ses vecteurs. L’OSCE semble se réveiller avec le procès dit de Corfou pour les négociations des nouvelles mesures de contrôle de l’armement, de confiance et de sécurité.[1] Le nouvel ambassadeur américain, Ian Kelly, au sein de cette organisation a reçu l’ordre de Mme Clinton : « Make it [l’OSCE] work !» [Faites la marcher!). Il y aura un sommet de l’OSCE à Astana (Kazakhstan) les deux premiers jours de décembre 2010[2], le premier après celui d’Istanbul en 1999.[3]
La Russie vient de lancer une nouvelle doctrine militaire en même temps que l’OTAN est en train de discuter le renouvellement de la sienne. Cette dernière va probablement donner une priorité accrue au rôle classique de l’OTAN ; c’est-à-dire la défense de territoire.[4] La nouvelle doctrine russe dénonce l’OTAN comme un risque mais pas comme une menace militaire ; elle envisage au contraire la possibilité de faire de l’OTAN un partenaire stratégique.[5] On peut deviner que cette idée est fortement liée à son projet d’un TES.
Les Européens sont divisés. Pour les pays qui se trouvaient du mauvais côté du rideau de fer ainsi que pour la Suède et la Finlande, la Russie constitue toujours une menace potentielle. Cela va de soi pour des raisons géopolitiques et d’histoire. Or, pour la France, la Russie est amie à qui on peut vendre des bâtiments de transport de chalands. La France et l’Allemagne sont maintenant des partenaires pour le gazoduc dit Nord Stream par travers la Baltique – lequel s’est vu avec beaucoup de méfiance par les pays riverains.
Et la Russie – lequel est son projet politique de long terme, s’il y’en a un ? M. Poutine va probablement regagner le poste de président en 2012 – pour le garder jusqu’à 2024. Mais les conséquences en sont difficiles à discerner. Il semble qu’il y autant des idées comme il y a des analystes.
Le processus dit de Corfou vise à discuter des questions de sécurité des états participants de l’OSCE et de faire renforcer l’implémentation des engagements existants. Un domaine en est l’idée d’un renforcement des régimes de maîtrise d’armement dans la zone Euro-Atlantique.
Il semble maintenait probable que le sommet de l’OSCE en décembre 2010 va démarrer un processus visant à entamer de nouvelles négociations dans le domaine de la sécurité européenne. Des telles discussions pourraient englober des questions comme : un traité (TES), le futur pour le traité FCE adapté (FCE-A)[6], de nouvelles mesures dans les domaines de la maîtrise des armements, des mesures de confiance et de sécurité (MDCS). Le présent article va discuter quelques aspects de telles négociations. Il se concentre sur la problématique entre la Russie et l’Occident. Cependant, il ne discute ni les armes nucléaires ni la défense antimissiles.
Choisir un projet politique
Un projet politique est, par définition un ensemble cohérent des fins politiques générales.[7] Dans le monde idéal, les occidentaux seraient en mesure de s’entendre sur un tel projet qui se compose d’objectifs dans des domaines économiques, diplomatiques, militaires etc. Toutes ces fins doivent converger vers une certaine idée de la place de la Russie par rapport aux occidentaux et ses relations avec l’UE et l’OTAN ainsi que ses membres.
Une première question est : quelle Russie ? Et à quelle relation est-ce que de telles négociations doivent aboutir ? Une deuxième question, c’est si la Russie est « l’Autre », qui est le Même ? Tous les autres états participants de l’OSCE, l’OTAN et/ou l’UE ? Nous reviendrons à cette question vers la fin.
La Russie
On peut discerner trois vues principielles sur la Russie et sa place dans la Maison Européenne :
- L’allié dévoué
- L’éternelle Russie
- La Russie revanchiste
L’allié
L’idée de la Russie comme un partenaire et un allié traditionnel est évoqué par M. Sarkozy dans une allocution à M. Medvedev le 11 juin, 2010 : « Entre nos deux pays, entre nos deux peuples, il existe une soif réciproque de l’autre, qui s’est nourrie de l’histoire et de la culture. »[8] Il dit aussi : « car pour nous Français, la relation avec la Russie s’inscrit dans une continuité millénaire…. la bataille de la Marne qui n’aurait pas pu être gagnée sans l’offensive russe improvisée à la demande de la France par l’Empereur Nicolas II, Verdun n’aurait pas pu être conservé sans l’offensive Broussilov … »[9] Il semble qu’il trouve ces expériences adaptées aussi pour la situation contemporaine.
Dans cette perspective, la Russie est surtout préoccupée par son développement économique et technologique. En bref, au fond, la Russie partage les intérêts occidentaux. Des négociations de sécurité pourraient donc être menées dans une atmosphère ouverte et basée sur une certaine confiance mutuelle.
L’éternelle Russie
Même si c’est l’incertitude que domine quand on veut discuter le projet politique russe, il y a un certain nombre des traites assez stables dans l’histoire de la Russie. L’idéologie dite « Poutinisme » va probablement être en vigueur pendant au moins la décennie prochaine. Selon ce paradigme, la Russie sera un pouvoir important européen et asiatique ; il faut « ré-établir et reconstituer la grandeur de la Russie ». Elle va donner la priorité à la coopération au sein du CEI[10], dominé par elle. La Russie va s’efforcer d’empêcher toute expansion de l’OTAN et elle va utiliser son pouvoir politique afin de soutenir des minorités russes dans des pays voisins. Enfin, la Russie n’a pas d’intérêt pour le développement d’une interdépendance avec l’Europe – elle a ses propres intérêts et ils ne sont pas ceux des européens.[11]
En conclusion, la Russie – au contraire des pays membres de l’UE –croit toujours aux moyens classiques de pouvoir dans les relations entre états. Une négociation de sécurité risque donc de devenir un jeu au somme nulle.
La Russie revanchiste
Le comité de défense du parti suédois Moderaterna (le parti dirigeant du gouvernement Suédois) vient d’écrire : « Le développement en Russie est marqué de revanchisme et d’une volonté de reprendre son ancien statut comme grande puissance. Cela s’exprime par un renforcement du courant nationaliste et des marquages distincts envers ce qu’on voit comme la zone d’intérêt russe. »[12] Dans ce contexte, il faut se rappeler le discours à la nation le 25 avril 2005 où M. Poutine a décrit la dissolution de l’Union Soviétique comme « la catastrophe géopolitique la plus grande du siècle. »[13] Il y a aussi une grande continuité dans l’histoire de la Russie : « Ainsi a-t-on oublié un peu vite que la Russie avait préexistée au communisme et que l’un des traits constitutifs majeur de l’histoire de ce pays est son expansionnisme organisé et continu. »[14] Ses voisins ont une tendance à oublier cela.
Si cette image est la vraie, un traité nouveau de sécurité risque à devenir un « Helsinki moins » au lieu d’un « Helsinki plus ».[15]
Conclusion
Ces trois images de la Russie sont bien sûr des simplifications. Il faut aussi comprendre que même la Russie n’est pas un monolithe. Il semble que M. Medvedev et ses disciples libéraux visent plutôt la posture « l’allié » quand il y a d’autres au sein de la Douma et de la presse qui préfèrent la confrontation et qui donc représentent plutôt l’attitude « la revanchiste ».[16] Or, c’est qui est important ici c’est que nous ne savons pas où « la vraie Russie » se trouve dans ce spectre.
Malheureusement, le stratège ne peut pas attendre pour voir. Un choix prudent sera de miser sur une relation stable et sûre avec la Russie « éternelle ». Dans ce cas on aurait une base pour, dans les mesures possibles, faire élargir la coopération dans tous les domaines convenables. En même temps, il faut garder une certaine liberté d’action pour les deux autres scénarios : « l’allié dévoué » et « le revanchisme ». C’est à dire, il faut éviter de couper les ponts vers une coopération renforcée ultérieure et en même temps garder la possibilité de se défendre contre des actions revanchistes. Une bonne base de coopération où tous les États participants[17] se trouvent confortables est la meilleure base pour, à terme, éventuellement faire intégrer la Russie dans l’arc de sécurité Euro-Atlantique ; si elle le veut, ce qui n’est par sûr.
Son projet politique
Le projet d’un TES reste flou. Cependant, dans un discours le 5 juin 2008 à Berlin, M. Medvedev a présenté une liste de plaintes. Il s’agit au fond que la Russie n’a pas pu obtenir sa place légitime dans le système européenne de sécurité. Ce système est maintenant asymétrique et dominé par l’OTAN. Il n’y pas de vraie réciprocité quand il s’agit des obligations au sein de l’OSCE. La situation ne fait pas justice du rôle joué par la Russie pour terminer la guerre froide et sa réconciliation avec l’Allemagne. La Russie serait pénalisée si l’OTAN continue à agrandir son infrastructure vers l’orient et continue à agir unilatéralement. En outre, c’est l’OTAN qui empêche l’OSCE de devenir une vraie organisation internationale et la base de l’unité européenne.[18]
Dans cette perspective, la Russie demande : respect pour sa nation, ses valeurs et son histoire, reconnaissance de sa sphère d’influence légitime dans la région postsoviétique et le droit de défendre ses citoyens aussi au-delà de ses frontières, par exemple dans les pays Baltes. La Russie cherche à rétablir son ancien statut comme grand-pouvoir et elle va s’efforcer de changer les traités et la structure européenne établie à partir de 1990.[19]
Elle propose un traité articulé principalement autour des états, diminuant ainsi le principe collectif porté par les organisations nationales. [20] Elle veut aussi renforcer le pouvoir du Comité Politique de l’OSCE en affaiblissant son Président en exercice et l’autonomie du BIDDH[21]. En conséquence, la mise en œuvre de l’acquis serait plus difficile, surtout dans le domaine des droits de l’homme.
Ces idées ressemblent aux propositions faites en 1993 par M. Kozyrev, alors ministre des affaires étrangères, pour un traité de sécurité. Il fallait transformer l’OSCE (CSCE à l’époque) en une « ONU européenne » où l’OTAN serait responsable de la sécurité occidentale et le CEI responsable de l’orientale. Il y aurait un conseil de sécurité où la Russie et quelques autres grandes puissances auraient des sièges permanents. C’est facile d’imaginer que le TES serait quelque chose de similaire ; c’est-à-dire : figer la structure européenne et garantir une zone d’influence russe.[22]
Vers des négociations possibles
Un Traité pour la Sécurité, pour quoi faire ?
Généralement, les occidentaux, les américains en particulier, n’aiment pas l’idée d’un Traité de Sécurité Européen. On trouve que le système actuel de l’OSCE où les accords sont politiques au lieu d’être légalement contraignants marche assez bien. Cependant, il semble que les relations futures avec la Russie dépendent d’une acceptation de principe d’un tel traité.
On pourrait s’imaginer que des telles négociations se dérouleraient au sein de l’OSCE, dans un forum nouveau ou bien, enfin, entre la Russie et l’OTAN.
Dans ce dernier cas, (Russie – OTAN), il y aura des possibilités pour un renouvellement du Conseil OTAN-Russie. Cela sera certes utile mais il ne s’agirait point d’un traité européen. Un tel traité, si il y’en aura un, doit impérativement inclure tous les Européens sachant que l’indivisibilité de la sécurité constitue une valeur de base de la Charte de Paris de 1990.
Des négociations à l’extérieur de l’OSCE impliqueraient essentiellement de refaire tout la procédure de Helsinki mais dans un climat où ni les États-Unis, ni la Russie ne peuvent se baser sur des alliés disciplinés. La chance d’aboutir à des négociations réelles est minuscule avec une cinquantaine d’Etats autour de la table.
Reste donc à le faire au sein de l’OSCE. Cependant, ce sera un projet très risqué. La Russie veut certainement renforcer l’OSCE dans le sens légal. Cependant, comme nous avons vu ci-dessus, son but est probablement aussi de réduire l’acquis de l’OSCE. Il faut donc établir un certain nombre des lignes rouges, conformément à la Charte de Paris[23] et à la Charte de Sécurité Européenne adoptée à Istanbul 1999[24]. Il s’agit surtout des points suivants : notre sécurité est coopérative (au lieu de basée sur des menaces militaires), globale (la sécurité n’est pas que militaire) et indivisible (la sécurité des uns est dépendant de la sécurité et les droits de l’homme de tous les autres). Puis il faut reconnaître que la mis mise en œuvre de bonne foi de tous les engagements constitue « notre acquis commun et [nous] estimons donc qu’ils sont d’un intérêt immédiat et légitime pour tous les Etats participants.[25] Il faut aussi réaffirmer le droit de chaque état de choisir son adhésion, ou non, aux alliances. Tous les états ont le même droit à la sécurité, en conséquence on ne peut admettre l’existence de sphères d’influence. [26]
Il ne faut donc pas s’engager dans des négociations sur la base « d’une table vide » mais sur l’acquis de l’OSCE. Car si la diplomatie russe formule la base des négociations on risque fortement de se trouver dans une spirale infernale. Il vaut mieux que les occidentaux formulent une proposition. Ainsi on laisse aux Russes le soin de décider s’ils veulent jouer le jeu ou non. Si oui, on aura une base solide pour faire intégrer la Russie dans la sécurité Euro-Atlantique. Dans l’autre cas, si non, la Russie aura bien montré de l’image « éternelle » ou même « revanchiste » laquelle est la vraie. Ensuite, ce sera à l’OTAN et à la politique de sécurité et de défense commune (PSDC) d’en tirer les conséquences. Une telle démarche peut donc servir comme un test de la bonne volonté de la Russie.
Une telle proposition devrait, dans l’idéal, être élaborée par l’UE sous la responsabilité de la Haute Représentante et/ou le Secrétaire Général de l’OTAN. Cependant, l’expérience montre qu’une telle démarche risque de devenir très lente et pénible avec comme conséquence une perte d’initiative. Mieux vaut donc une proposition faite par quelques états clés comme l’Allemagne, les États-Unis, la France et la Grande Bretagne basée sur des dialogues bilatéraux avec les autres États participants.
Des négociations militaires
Certes, toutes les trois dimensions de l’OSCE sont importantes. Cependant, la Russie étant encore un état traditionnelle, elle se soucie en particulière de sa sécurité militaire. Il faut donc trouver des moyens de la faire rassurer sans pour autant d’affaiblir la sécurité d’autres, surtout les petits états qui forment son voisinage la plus immédiate.
Aujourd’hui la sécurité de l’Europe est soutenu par un nombre des accords politico-militaires où les quatre suivantes sont les plus importants: le traité FCE-A (traité FCE adapté), le traité Ciel Ouvert (CO), le Document de Vienne 1999 (DV 99) et le Code de Conduite relatif aux Aspects Politico-Militaires de la Sécurité (CdC). Ces accords forment un ensemble mutuellement complémentaire et visent à créer une zone caractérisée de confiance, de prédictibilité, de transparence et de coopération. [27] Chaque régime a des spécificités particulières.
Comme le traité FCE-A, est souvent appelé « pierre angulaire de la stabilité et de la sécurité en Europe » il faut donner quelques précisions. Le traité établit des plafonds relatifs à la possession des armes « lourdes » : chars, véhicules blindés, artillerie, avions et hélicoptères. Grâce à un régime de vérification particulièrement intrusive, il permet une transparence importante. Aujourd’hui, comme les états européens ont fortement diminué leurs possessions de telles armes, c’est la transparence qui est son plus grand atout. Les États membres du traité sont tous les états qui adhèrent à l’OTAN, sauf les pays Baltes, ainsi que tous les pays européens qui ont adhéré au Pacte de Varsovie ainsi que l’Union Soviétique. Quand le FCE-A sera entré en vigueur, il sera ouvert pour les nouveaux adhérents.
Or, le traité n’est pas entré en vigueur, surtout à cause du stationnement de troupes russes sur le territoire de la Moldavie. Après 2007, où la Russie a quitté la mise en œuvre du traité FCE, il est resté lettre morte. Le fait que, à partir de 2008, il y a des troupes russes stationnées sur le territoire de la Géorgie, ne facilite pas les choses.
Carte de Traité FCE-A. (source : http://www.le-cartographe.net/index.php/accueil)
Certes, on pourrait avancer le contre-argument que les services de renseignement peuvent fournir à leurs maîtres politiques des chiffres plus précis que ceux donnés selon ces accords. Mais le grand atout de ces régimes est que les résultats obtenus peuvent être utilisés ouvertement et dans une dialogue politique. Puis, la vérification exige une coopération poussée entre les militaires des états participants. Ces deux dernier aspects sont aujourd’hui les plus importants. C’est essentiellement pour ces raisons que la suspension de FCE est si grave.
Il est légitime de se demander à quoi bon des régimes qui ne traitent que l’armement lourd qui, dit-on, ne joue plus un grand rôle dans la sécurité militaire européenne. En plus, elles n’englobent que deux domaines : terrestre et aérien. Les secteurs maritimes, l’espace ainsi que le cyberespace ne se sont pas concernés. Cependant, pour prendre du terrain et occuper un territoire, on a toujours besoin des armes lourdes classiques. Est c’est scénario-là que craint la Russie ainsi que ses états voisins.
En somme, l’acquis européen dans les domaines de maîtrise de l’armement et des MDCS donne aux états participants un droit de regard quant aux organisations militaires des états participants, leurs doctrines, leurs activités et leurs niveaux d’armements. Simultanément, les effets de coopération et de dialogue autour de la vérification forment un ciment important pour l’ordre de sécurité. L’absence d’entrée en vigueur de FCE-A pose donc un sérieux problème.
Vers une renaissance de la maîtrise de l’armement ?
Il est clair que la Russie trouve l’expansion de l’OTAN menaçante. Un coup de l’œil sur la carte ci-dessus montre que tout son flanc occidental est « dans les mains » de l’OTAN ou appartient aux états qui entretiennent des relations très proches avec cette organisation ; une adhésion de la Suède à l’OTAN ne peut pas être exclue[28] – et dans ce cas, la Finlande la suit probablement. En même temps, pour ces pays, la Russie est toujours une menace plus ou moins potentielle. Surtout pour les pays Baltes, les idées russes d’un droit à défendre ses citoyens à l’étranger constitue une menace évidente. Il semble donc qu’une inclusion de ces états dans le FCE-A sera d’une certaine importance pour la Russie.
Or, pour ce faire, il faut traiter les problèmes posés par les troupes russes en Moldavie et en Géorgie. Il est évident que, par exemple, le gouvernement à Tbilissi ne peut pas donner de l’information des troupes occupantes dans sa région Ossétie de Sud. Une possibilité serait un accord tacite qu’on, pour le moment, laisse ces problèmes de côté sans, certainement donner son aval à l’occupation russe. Cependant, il est facile à imaginer qu’il faudra beaucoup de « bras de fer » ainsi que des « carottes » pour amener les gouvernements à Tbilissi et de Chisinau à l’accepter.
Si l’objectif est surtout de rassurer les Russes, on pourrait imaginer une autre solution. Il s’agirait d’un traité régional englobant les pays autour de la Baltique selon le model de FCE-A. Avec une telle mesure, les craintes les plus graves de la Russie pourraient être traitées. En même temps, les autres pays bénéficieraient d’une transparence importante vis-à-vis la Russie. Pour les trois pays Baltes, une telle démarche ne devrait pas être trop impensable comme ils sont membres de l’OTAN – surtout si le nouveau concept stratégique donne plus de poids à la défense de ses membres. Reste à convaincre les Finlandais et les Suédois. Cependant, si ce traité englobe aussi des pays comme l’Allemagne, l’indivisibilité de sécurité – très importante pour Stockholm – serait assurée.
On pourrait aussi imaginer un régime nouveau, englobant tous les états de l’OSCE et basée sur le FCE-A, le DV 99 et, peut-être, le CO. Une telle idée n’est pas tombée du ciel. Comme Mme Clinton a dit, dans son discours à l’École Militaire de janvier 2010 : « Notre objectif serait une cadre de sécurité moderne englobant les développements en Europe depuis la signature du traité original [1990], limite les déploiements militaires, et qui renforces les principes de intégrité territorial, non-usage de force en premier et le droit de pays hôtes d’accepter le stationnement des troupes étrangers sur leurs territoires. »[29] Cependant, on voit bien dans la dernière phrase que le problème de la Moldavie et la Géorgie reste à résoudre avant qu’une telle démarche puisse être tentée.
Une autre possibilité serait de faire élargir le DV 99, qui doit être renouvelé en 2011, pour inclure un certain nombre des règles du FCE. Or, on peut se demander si cela serait assez pour rassurer la Russie, surtout s’il n’y a pas de TES. D’ailleurs une telle idée fut déjà tentée sous le nom d’ « harmonisation » mais elle avait échoué à Budapest 1994.[30]
Finalement, on pourrait imaginer une extension envers des domaines qui n’ont pas été pris en compte jusqu’ ici. Comme l’Occident est largement supérieur dans les trois secteurs maritime, espace et cyberespace, une telle démarche pourrait intéresser les russes. Quant aux deux dernières, il est un peu difficile à imaginer des régimes contraignants avec des mesures de vérification. Mais, il pourrait être possible d’élaborer quelque chose sur la base d’information annuelle et de visites périodiques. Des programmes de collaboration sur, par exemple, la sécurité des réseaux informatiques pourraient aussi avoir un intérêt.
Quant au secteur naval, la Russie a longtemps voulu avoir un régime de maîtrise de l’armement et/ou de MDCS. Un régime contrôlant l’accès aux mers Baltique et Noire aux pays non-riverains est un ancien rêve. Cependant, de telles idées se heurtent au principe vital de la liberté des mers. De plus, au moins Stockholm ne l’acceptera pas car sa politique constante depuis le début du XVIIIème siècle est qu’il faut un accès libre aux autres flottes pour faire contrepoids à celle de la Russie.
Les armes nucléaires tactiques offrent peut-être une autre possibilité. On pourrait imaginer de mettre ces armes dans le balancier pour voir s’il y a là un point ou un grand compromis pourrait être trouvé. Cependant, comme ces armes constituent le seul domaine où la Russie a un avantage, un tel compromis semble peu envisageable.
Finalement, il y a l’Arctique qui suscite de plus en plus d’intérêt. Pour la Russie, ce développement contient beaucoup des possibilités mais aussi un danger perçu. Si la Russie considère les actions des autres états arctiques, dont les États-Unis avec méfiance, elle va regarder cette façade comme une quatrième frontière avec des tensions dangereuses comme résultat. Pour la Russie, probablement, la question stratégique est beaucoup plus importante que les ressources naturelles lesquelles ne sont encore que potentielles. Il y a donc besoin d’un dialogue sur les questions stratégiques entre les puissances Arctique. Dans le Conseil Arctique ? Mais dans ce cas il faut faire élargir son mandat aux affaires militaires.[31] Il n’est pas sûr que les autres membres acceptent. Est-ce que cette question doit être intégrée – plus ou moins explicitement– dans des négociations TES ? Faut-il un régime spécial ou ne pourrait-on pas intégrer ces problèmes dans des accords plus globaux ?
L’occident, c’est qui ?
Ci-dessus nous avons conclu que des négociations devraient se faire au sein de l’OSCE. Traditionnellement, les questions militaires – surtout de le FCE – se sont coordonnées de l’OTAN quand l’UE coordonne des questions non-militaires. Cependant, on pourrait imaginer que l’UE, au sein de la PSDC, coordonne aussi des affaires militaires. Car, il faut bien, pour réussir, se coordonner avec les États-Unis. Le mieux serait probablement de faire une coordination UE – OTAN sous responsabilité du Haut-Représentant et du Secrétaire Général. Toutefois, une telle démarche risque de devenir très lourde avec une perte d’initiative comme résultat.
Il faut aussi calculer avec tous les autres états qui ont des intérêts divers et potentiellement bloquants : Chypre, l’Arménie, la Géorgie, les pays de l’Asie Centrale etc.
Un autre problème est que pendant les négociations OTAN-OPV à la fin de la guerre froide, chaque organisation pourrait attendre un comportement discipliné de ses membres. Cela n’est pas le cas aujourd’hui on risque que chacun va pour soi. La Russie, qui toujours préfère des relations bilatérales aux discussions avec Bruxelles, va probablement faire tout pour que cela soit vrai. Le comportement des états comme l’Allemagne, la France et l’Italie n’est pas trop rassurant dans ce domaine. Or, une solidarité occidentale sera impérative si on veut réussir.
On voit bien qu’il existe deux problèmes incontournables : le stationnement des forces russes sur les territoires de la Moldavie et de la Géorgie. Les Occidentaux ne peuvent pas accepter ces faits qui sont contraires aux idées de base de la Charte de Paris. Et Tbilissi et Chisinau n’accepteront pas qu’ils le fassent. À l’inverse, il est difficile à voir les Russes laisser ces sphères d’influence leur échapper, cela doit être particulièrement vrai pour l’Ossétie de Sud et l’Abkhazie. Peut-être les Russes pourraient imaginer un chantage avec le Kosovo dans le balancier afin d’obtenir un quid pro quo, mais cela serait inacceptable pour les Occidentaux.
Pour progresser, il faut donc contourner ce problème. L’analyse ci-dessus suggère que cela sera très difficile. Cependant, quant à la Transnistrie, il semble que les Allemands aient promis aux Russes de trouver une solution dans un format 5+2 : la Russie, l’Ukraine, la Moldavie, la Transnistrie, UE et les États-Unis.[32] Est-ce qu’un tel format pourrait être utilisé aussi pour la Géorgie ? Le but sera peut-être moins de vraiment résoudre le problème que de le mettre à part – « au frigo » – comme on a fait dans le processus dite de Minsk qui « traite » le conflit d’Haut-Karabagh.
Revenons aux trois images de la Russie. Les discussions ci-dessus sont plutôt axées sur « l’éternelle » Russie. Si, c’est plutôt « l’allié » russe qui participe aux négociations, la situation serait probablement très différente surtout parce que la Russie sera un demandeur. Elle voudrait une solution qui la donne la possibilité d’une coopération renforcée. Dans ce cas, plusieurs des obstacles discutés ci-dessus devraient disparaître assez facilement. Finalement, si l’Occident rencontre « la Russie revanchiste » les négociations vont vite s’enliser. Dans ce cas, il faut commencer à repenser la défense européenne. Dans ce scénario, un manque de solidarité entre les Occidentaux serait particulièrement néfaste. L’histoire montre bien des exemples où la division a abouti à des catastrophes.
Conclusion
Il ne reste que peu de temps avant le sommet d’Astana. Il est vraiment temps pour les occidentaux de se décider ce qu’ils veulent atteindre et, aussi important, ce qu’il faut éviter. S’ils veulent que la Russie fasse parti de « la maison Européenne », ce sommet semble offrir une possibilité qu’il ne faut pas négliger. Si la Russie ne veut pas faire partie de cette « maison », il faut au moins établir un système de bon voisinage.
Lars Wedin
Capitaine de vaisseau (er), Marine suédoise, chercheur IFAS et chercheur associé Collège de Défense à Stockholm
[1] Le Président en Exercice de l’OSCE, CIO.GAL/52/10, 16 April 2010.
[2] OSCE press release le 23 août 2010.
[3] OSCE, Almaty 17/07//2010. http://www.osce.org/item/45368.html
[4] Karl-Heinz Kamp,”NATO after Afghanistan”, U.S. Naval Institute Proceedings, June 2010, Pp. 57-58.
[5] Jean-Christophe Romer, ”La doctrine militaire russe: une doctrine pour rien?”, Revue Défense Nationale, Avril 2010, no 729. P. 56. Voir aussi OTAN, NATO 2020, Assured Security ; Dynamic Engagement. Analysis and recommendations of the group of experts on a strategic concept for NATO, surtout page 8.
[6] Le sommet d’Istanbul en 1999 approuvait une adaptation du traité FCE ; le FCE-A. Il n’est jamais entré en vigueur à cause des litiges autour, entre autres, du stationnement des troupes russes dans la Transnistrie. En conséquence, la Russie a suspendu son adhésion au traité.
[7] Lucien Poirier, Stratégie Théorique II, (Paris: Economica, 1987). P. 51.
[8] http://www.elysee.fr/president/international/visites-d-etat/russie/saint-petersbourg/deplacement-du-president-en-federation-de-russie.9191.html
[9] http://www.elysee.fr/president/les-actualites/discours/2010/allocution-lors-du-diner-d-etat-offert-en.7976.html?search=Russie
[10] Communauté des États indépendants
[11] Bertil Nygren, Conclusions: “Visions of Russia’s Future Foreign Policy”, Bertil Nygren, Bo Huldt, Patrik Ahlgren, Pekka Sivonen et Susanna Huldt (éds), Russia on Our Minds. Russian Security Policy and Northern Europe, (Stockholm: Försvarshögskolan, 2010). Pp.273 – 281
[12] Moderata Samlingspartiet, Blå tankar om framtidens försvar, http://www.moderat.se
[13] http://www.rferl.org/content/article/1058688.html
[14]Antoine Kuruneri-Millet, « Les confins orientaux de l’Europe », Revue Défense Nationale, avril 2010, no 729. P. 43.
[15] Stefan Forss, ”Russian Military Thinking and Threat Perception – A Finnish view.” The Royal Swedish Academy of War Sciences, Proceedings and Journal. Nr 1/2010. Pp. 56 -70.
[16] Nadia Alexandrova-Arbatova, ”Captives of a Common Continent: Russia and the European Union after the Caucasus Crisis”, Bertil Nygren, Bo Huldt, Patrik Ahlgren, Pekka Sivonen et Susanna Huldt (éds), Russia on Our Minds. Russian Security Policy and Northern Europe, (Stockholm: Försvarshögskolan, 2010). P. 107
[17] Au sein de l’OSCE, on parle toujours des ”États participants » au lieu de « membres » – une réminiscence du temps avant 1994 où l’OSCE était le CSCE.
[18] Gilles Andréani, « Closing Argument. Answering Medvedev », Survival, February-March 2010. Pp. 237-238.
[19] Forss, ”Russian Military Thinking and Threat Perception – A Finnish view.” Pp. 57-58.
[20] Yves Joly, « Sécurité en Europe et maîtrise des armements conventionnels », Revue Défense Nationale, avril 2010 no729. P. 80
[21] Bureau des institutions démocratiques et des droits de l’homme
[22] Mémoires personnelles ; l’auteur était alors posté à Vienne comme conseiller militaire auprès la délégation suédoise.
[23] Charte de Paris pour une nouvelle Europe, Paris 1990. http://www.osce.org/documents/mcs/1990/11/4045_fr.pdf
[24] OSCE Document d’Istanbul 1999. PCOWF389. http://www.osce.org/documents/mcs/1999/11/4050_fr.pdf
[25] OSCE. Charte de Sécurité Européenne. Chapitre II, article 7. http://www.osce.org/documents/mcs/1999/11/4050_fr.pdf
[26] Ce que ne veut pas dire qu’une alliance a l’obligation d’accepter l’adhésion de n’importe quel état.
[27] Pour un état des lieux dans le domaine de la maîtrise de l’armement et des mesures de confidence et de sécurité, voir Joly, « Sécurité en Europe et maîtrise des armements conventionnels ». Pp. 77-82.
[28] Les Moderaterna viennent d’annoncer l’adhésion de la Suède comme un objectif politique: Blå tankar om framtidens försvar, http://www.moderat.se
[29] Hilary Rodham Clinton, “Remarks on the Future of European Security”, l’École Militaire, 29 Janvier, 2010. http://www.state.gov/secretary/rm/2010/01/136273.htm
[30] Memoirs personnels de l’auteur
[31] Roger Howard, ”Russia’s New Front Line”, Survival, April-May 2010. Pp.142-155.
[32] Memorandum meeting of Chancellor Angela Merkel and President Dmitri Medvedev, on 4 – 5 June 2010 in Meseburg.